Titre : Merry ou Le Pleureur
Date : septembre - octobre 2024
Dimensions : 21 x 15 x 8 cm
Matériaux/technique : grès émaillé et cuit au bois, plaques et modelage.
C’est un après-midi ensoleillé, la ville est assommée, écrasée par la chaleur. Il a beau faire
extrêmement chaud, la fontaine du quartier est plus vive que jamais. L’eau circule, coule, jaillit
de la pierre. Et la vie se rassemble autour de ce petit bout de fraîcheur. Il y a des enfants qui
jouent à s’éclabousser, d’autres qui font voguer leur petits bateaux en papier. Des adultes
barbotent, humectent leur cou, nagent. Un groupe est rassemblé près de la source et s’abreuve. Le
fond du bassin principal a une douce couleur verte qui reflète joyeusement les rayons du soleil. Il
y a de gracieuses vagues à la surface de l’eau. Une légère brise fait se détacher une feuille qui
volète, tourbillonne et vient effleurer la pierre du bassin. Et soudain : “Aaaaatchaa”. Avez-vous
déjà vu une fontaine qui éternue ? En tout cas, la pierre du bassin se plisse, s’amollit,
s’assouplit et Merry se frotte le nez. “On n’a pas idée de venir me chatouiller le nez ainsi !”
s’exclame-t-il. Merry sort d’une longue torpeur ; un sommeil qui lui semble avoir duré une éternité.
Mais tous les gens autour de lui s’agitent. Que se passe-t-il ?
- La fontaine se vide ! crie une dame.
- Mais l’eau ne coule plus ! S’écrie un autre.
- Que se passe-t-il maman ? Demande un enfant.
- Je ne sais pas. On dirait qu’il n'y a plus d’eau. Répond-elle.
- Mais qu’est-ce qu’on va devenir ? S’épouvante un homme. Sans eau nous sommes perdus.”
Ces mots laissent place à la panique. Un vieillard remplit sa gourde dans le bassin. Deux gamins
vont chercher des bassines chez leur mère et commencent à les emplir. C’est le chaos ! Les gens
commencent à se battre pour quelques millilitres d’eau et en deux temps trois mouvements il ne reste
plus rien. Juste quelques personnes assommées sur la place. Un enfant qui braille à la recherche de
son père. Merry seul au milieu du bassin vide. Il ne comprend pas ce qu’il vient de se passer mais
un sentiment de malaise commence à peser au fond de son ventre. Et il part.
Il marche des mois, des années. Un jour enfin, il arrive dans un petit village. Cela faisait des
semaines qu’il marchait en plein désert et qu'il n'avait pas vu une seule goutte d’eau. Mais quand
il arrive dans ce village, il entend un doux bruissement. Comme un léger murmure. Au plus il
s’approche, au plus le son est fort et petit à petit il se mue en un sifflement, puis en un
ruissellement et enfin un torrent. C’est génial ! Que se passe-t-il ici ? D’où peut bien provenir
toute cette eau ? Il y en a partout, à chaque coin de rue : un seau, un bassin, un étang, une
fontaine. Elle est là, trônant au milieu de la place. Elle lui rappelle une douce après-midi
ensoleillée, si lointaine, et pourtant si familière et puis la boule dans sa gorge qui lui remémore
cet instant de terreur, ce moment qu’il avait tenté d’oublier, d’enterrer. Mais c’était il y a
longtemps maintenant, n’est-ce pas ? Une vieille femme s’approche de lui :
“Bonjour jeune homme.”
- Bonjour.
- Est-ce que vous avez fait bonne route ?
- Euh, c’est-à-dire que cela fait longtemps que je marche.
- Bien sûr, je sais cela. Je vous observe depuis un certain temps déjà et j’espérais bien que vous
passeriez par ici.
- Ah bon ? Je suis très surpris. Est-ce que je peux vous poser une question ?
- Je vous écoute.
- Vous vivez en plein désert et pourtant l’eau coule à flot ici. Comment faites-vous ?
- Merry, je pense que cela fait longtemps que vous connaissez la réponse. Elle se trouve là, dans
votre gorge.”
- Merry est stupéfait. Où veut-elle en venir ? Leur discussion se prolonge, ils déambulent dans les rues de la petite ville et arrivés à l’entrée de celle-ci, la vieille femme se tourne vers Merry et lui dit :
“C’est ici que nous nous quittons. J’espère que cette promenade vous aura éclairé et je vous
souhaite bon vent pour le chemin du retour.
Le chemin du retour ? Il faut que je retourne chez moi ?
En guise de réponse, la dame désigne son cou, lui fait un signe de la main et tourne les talons.
Merry retraverse le désert, marche des semaines et enfin arrive chez lui. La ville est
méconnaissable. Tout est poussiéreux, jaune, sale. Il ne semble plus y avoir grand monde dans ces
rues. Il ne retrouve plus le chemin de la fontaine alors il s’adresse à un passant :
“Bonjour monsieur, est-ce que vous pourriez m’indiquer le chemin vers la fontaine ?
- La fontaine ? ricane-t-il. Vous plaisantez ! Vous voulez dire le tas de vieilles pierres qui nous
a abandonnés il y a des années ! C’est deux rues plus loin, à gauche.
- Merci. bredouille Merry.
Il sent la boule dans sa gorge devenir de plus en plus grande, de plus en plus douloureuse, comme si
ça allait éclater. Il arrive à la fontaine et la vue des ces vieilles pierres le désola. Il court
vers le grand bassin, se couche sur ce fond qui lui avait tant manqué et là, il comprend. Il éclate
en sanglots. Il pleure. Pleure. Toute la tristesse qu’il avait accumulée se déverse au travers de
ses yeux. Il ne peut plus s’arrêter. Il est tellement désolé d’avoir délaissé les habitant.es. Il
est condamné à pleurer pour l’éternité pour que les gens puissent vivre.
Merry est doux comme une pierre polie par la rivière. Il évoque ces verres de mer, ces bois flottés. Ses larmes l’usent, l’érodent. Les années s'écoulent et il s’efface.
Description physique : Merry est vêtu d’une chemise blanche et vert clair. Elle est large avec des manches longues et bouffantes. Il porte un pantalon large lui aussi, dans les mêmes teintes que la chemise. Il a de petits souliers blancs, brillants et pointus. Ses boucles d'oreilles sont longues et pleines de pierres translucides. Il porte des gants brodés de soie.